Que faire contre les épandages de pesticides à proximité des villages ?

Aline Read s'intéresse depuis longtemps aux effets perturbateurs endocriniens des produits chimiques sur les humains et l'environnement. 

En 1998, se crée, avec des médecins, l'association CIEAS. A l'époque, le but était surtout d’informer le grand public de façon précise mais non anxiogène : nous avons écrit un spectacle "éphémère" avec des chansons connues (des "tubes") en modifiant les paroles pour apporter nos informations. Le spectacle dure une heure, on distribue au public un livret avec les paroles d'un côté et les infos scientifiques de l'autre, le public reprend en chœur, ça marche vraiment très bien. Mais, faute d’évolution, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure : En effet, en 2015, l'association CIEAS fait partie d'un groupe de travail sur les nanoparticules au Ministère de l'écologie. Nous y apprenons qu'on introduit des nanoparticules (de la taille d'un virus) comme "adjuvant" (donc non obligatoirement déclarées) dans les pesticides, pour faire pénétrer les principes actifs au cœur des cellules des plantes. Parallèlement, des travaux (expériences in vitro) sur les pesticides SDHI (Succinate DesHydrogenase Inhibitors) montrent que ces fongicides pénètrent également dans les cellules pulmonaires humaines, les asphyxient et les rendent cancéreuses. Les pesticides devenant clairement de plus en plus dangereux, nous constatons qu'il y a un grand risque, surtout pour les populations vivant sous le vent des champs : le CIEAS propose donc d'inclure dans la loi EGALIM (loi Agriculture et Alimentation) en cours d'élaboration, "un anneau de 150 m réservé à l'agri BIO autour des villages" pour protéger les habitants. La proposition est refusée.

 Il est alors décidé de créer une association plus militante, avec des personnes exposées ou qui l'ont été, dédiée uniquement au problème des pesticides. Ce sera Ragster.org Notre avocat écrit alors, à l'intention d'un maire des Yvelines, l'arrêté municipal "recul des pesticides de synthèse à 150 m des zones habitées". Finalement, ce maire ne le prendra pas, bien que les cancers fleurissent au bord des champs sur sa commune. J'en parle lors d'un colloque au sénateur Joël Labbé, qui me fait connaitre Daniel Cueff, premier maire à prendre cet arrêté en l'adaptant pour sa commune de Langouët en Bretagne. Il sera suivi par 110 autres communes sur toute la France, dont 2 dans les Yvelines. Bien que ces arrêtés (sauf 1 dans le Nord) aient tous été retoqués par les préfets, les batailles juridiques qui ont suivi (recours, appels etc...) ont mis le problème sur le devant de la scène (même Emmanuel Macron reconnait à cette occasion "qu'il y a un problème de santé publique avec les pesticides et qu'il faut arrêter de dire des bêtises" voir PJ), et la Loi EGALIM qui sort en 2018 (en vigueur au premier janvier 2020), dit quand même que l'utilisation de produits phytosanitaires (en clair les fongicides et pesticides) à proximité des zones habitées sera dorénavant soumise à des mesures de protection des personnes. 

Le projet de Décret d'application de la loi EGALIM concrétise cette protection sous forme d'une alerte préalable obligatoire (un délai de prévenance) avant toute utilisation de pesticides. Mais les lobbies agricoles agissent : cette alerte préalable obligatoire devient facultative dans le décret final... C'est à dire sans aucune contrainte, totalement inefficace. Et les distances d'éloignement des pulvérisations sont, comme on a vu, dérisoires dans décrets et arrêtés. Plusieurs associations attaquent alors décrets et arrêtés au Conseil d'Etat. Pour sa part, notre avocat se joint à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), et il ira plaider le problème spécifique du délai de prévenance (l'alerte préalable) devant le Conseil Constitutionnel. GAGNÉ !

 Le Conseil d'Etat demande enfin que cette alerte préalable soit bien obligatoire. Les chambres d'agriculture devront l'inclure dans des "chartes d'engagement". Mais... sur toute la France, c'est la FNSEA, bras armé des fabricants de pesticides, qui rédige ces chartes d'engagement pour les chambres d'agriculture et s'arrangent à nouveau pour que les agriculteurs ne s'engagent à ... rien de préalable. Dans le 78, ça donne à peu près : l'alerte préalable pourrait prendre la forme d'une information sur les produits sur le site de la chambre d'agriculture, l'allumage du gyrophare, ou prendre une forme numérique... RIEN de CONCRET et rien de PREALABLE... 

En mettant cette charte d'engagement sur le site de la Préfecture, le préfet l'a validée de fait : il faut donc recommencer... D'où ces recours gracieux et hiérarchiques au préfet et au ministre visant à obtenir une véritable alerte préalable, vraiment utile aux habitants pour anticiper et tenter de se protéger eux et elles-mêmes (rentrer le linge, les jouets, couper les VMC, éviter certains lieux de promenade etc...). 

Nous vous proposons d’envoyer des courriers au préfet des Yvelines avec copie au Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.