Transports IDF : richesses au centre ; galère des "premiers de corvée" en périphérie

par Jacqueline Lorthiois, urbaniste et socio-économiste, ancienne conseillère régionale écologiste, dans son blog sur Mediapart
Les transports dits "en commun" (TC) devraient être au service de tous. Mais en IDF les TC "lourds" - traversant les territoires sur la distance – desservent quelques gros pôles accaparant l'emploi (l'offre) et négligent les besoins des actifs de banlieues populaires (la demande), ces "essentiels" qui font fonctionner les activités. Une fois encore, l'offre économique bafoue la demande sociale.
- Transports en commun lourds : au service des pôles économiques ou des bassins de main-d’œuvre ?
Et l’Île-de-France bat tous les records : elle est la région la plus riche de France, mais c’est aussi celle qui enregistre les plus fortes inégalités territoriales. Cette concentration s'exprime par la polarisation grandissante des entreprises et richesses économiques - donc des emplois - et à l'explosion des besoins de transports domicile-travail qu'elle génère.
En témoignent en cœur d’agglomération parisienne, la santé éblouissante des pôles d’emplois, notamment Paris et son extension La Défense ; à l’inverse, on trouve en périphérie des bassins d’habitat construisant toujours plus de logements malgré une pénurie chronique d’activités, hébergeant une main-d’œuvre corvéable qui pour produire les richesses des pôles d’emplois florissants de l'hypercentre, s’achemine en transports vers ces lieux d’abondance dans des conditions d’inconfort, d’irrégularité et de temps perdu grandissantes.
Et les politiques d’aménagement du territoire mises en œuvre ces dernières décennies par bon nombre d'élus cèdent à l'urgence d’une demande de logements grandissante, sans intégrer les effets rebonds à long terme d’un déséquilibre endémique domicile-emploi…
Autant d’effets pervers qui entraînent l’aggravation massive de toutes les inégalités territoriales : en renforçant les écarts entre les pôles d’emplois - « lieux de production de richesses » - et à l’inverse en négligeant les bassins de main-d’œuvre de banlieue - les « lieux de vie des producteurs de richesses » - qui abritent les ressources humaines qui font fonctionner au quotidien les pôles d’emplois majeurs.
Voir la carte ci-dessous (Figure 1) qui montre des écarts entre communes beaucoup plus complexes que le fameux déséquilibre « Est-Ouest » souvent évoqué et qui n’est pas une simple traduction spatiale, mais la construction de tout un système de valeurs de surestimation et sous-estimation socio-économiques.
Dans les cortèges contestataires sur les retraites, on retrouve celles et ceux qu’on a appelé « les invisibles » devenus un temps « visibles » lors des périodes de confinement, mais rapidement oubliés au sortir de celles-ci. Conséquence regrettable : une explosion des besoins de transports pour relier ces bassins de main-d’œuvre aux pôles d’emplois.
D’une façon lapidaire, on peut dire : « L’Ile-de-France concentre les richesses et déplace les pauvres ».