Monique Pinçon-Charlot : "Je veux que les riches payent leurs impôts et contribuent à la hauteur de leur fortune"

La sociologue Monique Pinçon-Charlot, ancienne directrice de recherche au CNRS et spécialiste des familles des plus riches. Elle est l'auteure d'un nouveau livre 'Les riches contre la planète, violence oligarchique et chaos climatique' (Textuel Éditions) dans lequel elle décrit une oligarchie prédatrice qui se met soigneusement à l'abri du désastre tout en continuant à brûler du carbone en toute liberté.
Ce qui caractérise fondamentalement cette grande bourgeoisie française, c'est son ancrage dans l'histoire, avec des "quartiers de noblesse et de bourgeoisie, transmis quelquefois sur plusieurs siècles, à tel point qu'ils se perçoivent comme des usufruitiers qu'ils doivent transmettre, afin que jamais les richesses ni les pouvoirs ne ruissellent". Monique Pinçon-Charlot insiste également sur la perpétuation de "mécanismes bien rodés – la cooptation, la transmission, l'accumulation des richesses – qui définissent cette bourgeoisie et contribuent à un séparatisme des riches. Dans notre système capitaliste occidental, la possession des moyens de production, des médias ou encore du secteur de la santé où tout est financiarisé, cela engendre un resserrement des liens entre les oligarchies à l'échelle de la planète pour préserver l'avenir du système capitaliste. Puisque au fond, c'est toujours le même système qui s'entretient de lui-même. Au sein de cet univers, un entre-soi tenace permet aux jeunes générations d'apprendre l'amour de leur semblable, et apprennent à reconnaître leur dissemblable pour éviter la mésalliance".
Violence oligarchique et chaos climatique : les riches contre la planète ?C'est la première fois que la sociologue explore le lien entre les oligarques et le réchauffement climatique, et a voulu mettre face à face "l'oligarchie, en tant que classe sociale qui accapare aujourd'hui tous les pouvoirs et toutes les richesses, l'oligarchie comme fait social total à lui seul face au dérèglement climatique qui lui aussi est un fait social total". C'est un ensemble de petites chroniques pour parler à la fois des pesticides, de total énergie, de la construction de l'A69… Pour comprendre comment s'articulent les agissements concrets des membres de la classe sociale dominante sur des exemples particuliers. Au-delà du terme d'anthropocène pour qualifier l'époque que nous vivons, avec l'influence des activités humaines sur la santé de notre planète, elle parle plutôt de "capitalosène" : "Le terme s'impose quand selon les statistiques de World Inéguality (2023), 50 % des plus pauvres de la planète émettent 1,6 tonne par an et par personne, ce qui représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Si je prends les 40 % des classes moyennes, on est à 6,6 tonnes qui correspond qui émettent 40 % des émissions. Et les 10 % les plus riches, c'est 31 tonnes par an et par personne et à 48 % des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui montre qu'il y a bien une responsabilité manifeste des capitalistes, aussi bien dans leur mode de vie, mais pas seulement, parce que ça concerne aussi tous les investissements et leurs activités. Donc des riches de plus en plus riches et de plus en plus émetteurs. C'est là que la taxation des riches, paraît centrale. Si les riches contribuent à la hauteur de leur fortune, au lieu de profiter des niches fiscales, qu'ils payent leurs impôts, c'est essentiel, pour respecter l'État de droit".
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